Chers amis lecteurs,
Chères amies lectrices,
Aujourd'hui je vous écris sur le fil, celui qui maintient la tension, subtile, délicate et fragile, entre tranquillité et bouleversement, entre la terre et l'océan.
Rester sur ce fil est un travail de funambule. Ne pas basculer, trop, d'un côté ou de l'autre. Rester en équilibre. Laisser entrer la vague, celle qui inspire sans engloutir. Et maintenir un état intérieur serein. Imperturbable. C'est à dire qui peut faire des embardées mais ne se laisse pas distraire de son but. Ne pas perdre de vue son point d'arrivée.
Le troisième chapitre de mon livre aborde le sujet des valeurs et de la valeur, celles que l'on porte et celle que l'on s'accorde, et il me coûte grandement de l'écrire. Je ne cesse d'y revenir et d'y revenir encore, ne trouvant pas la justesse ni la finesse avec laquelle j'aimerais dire les choses. Ne rencontrant pas l'authenticité que je recherche et qui m'importe tant. Alors je suis venue me retirer sur la côte Morbihannaise, dans l'espoir d'insuffler un air nouveau, par mes narines et dans mes mots. Et le fait est que la solitude est un affrontement qui révèle soudain toute l'évidence de ce qui m'entrave, l'origine du noeud. Oui, parce qu'écrire sur les choses est une chose, mais la vraie question est : est-ce que je vis vraiment ce que j'écris, d'une manière ou d'une autre ? Est-ce que j'en fais véritablement l'expérience sensorielle, réelle ? Parce que si tel n'est pas le cas alors rien ne sert d'écrire ni de dire. Le vent lui-même aurait plus de légitimité.
Toute l'intention de ce livre est d'inviter à la descente, celle de la tête et de l'esprit, du mental, vers le corps, vers ce qui s'éprouve et prend corps. Et l'écriture, la mienne en tous cas, telle que je la conçois, ne doit être rien d'autre que le simple reflet, l'écho de ce phénomène physiologique. C'est ce processus alchimique qui fait que chaque mot est habité, investi d'une vitalité particulière. D'une certaine vibration. Si l'incorporation ne se fait pas, alors le geste même d'écrire est vide de sève, et les mots, au lieu d'être de chair et d'os, sont des coquilles sans substance. Et les phrases, si jolies et bien mises et mélodieuses soient-elles, ne sont plus que concepts et parlementations, qui s'auto congratulent, fourvoyant le lecteur et son intelligence.
Une robe haute couture sur un mannequin de bois creux, dans un écrin de verre et de lumière artificielle...
Le chapitre donc, s'intitule De mes valeurs à ma valeur.
Outre mon désir de ne pas verser dans les généralités du "développement personnel", je m'aperçois que le bât blesse, que le thème grince. Ce qui coince, c'est que le sujet lui-même active mes verrous. Et quand je dis verrous, je pense plutôt à une serrure à cinq points. Premièrement, mes valeurs ne sont pas si claires que ça et je ne suis pas certaine du tout de les respecter (je suis même certaine du contraire). Deuxièmement, le sentiment de ma propre valeur est loin d'être acquis. Par conséquent, mes résistances n'ont fait qu'une bouchée de mes croyances et sont montées d'un cran, voire de plusieurs, et mon ego en prend un coup. Retour au camp de base, au moment où je pensais avoir atteint ma vitesse de croisière.
Et puis, ce matin, j'ai décidé d'aller voir la mer et d'écouter ce qu'elle avait à me dire, si tant est qu'elle veuille bien me parler. et voici ce qu'elle m'a murmuré : qu'un funambule digne de ce nom devait commencer par accepter l'impermanence de sa nature et son coeur de marées. Que c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a choisi ce métier, pour défier sa gravité et rencontrer sa verticalité.
"Si notre esprit, comme notre corps, avait une colonne,nos valeurs en seraient les vertèbres.
Si nous étions un arbre, elles seraient notre tronc et ce qui nous érige.
Ainsi, nous plierions, parfois, mais sans toutefois nous briser. Sans plus jamais nous perdre dans les tourments de la tempête et du vent,
En les embrassant,
Nous nous laisserions porter,
Vaillants, confiants,
Par notre propre mouvement."
Écrire, la main dans le prolongement du coeur, c'est être son propre polygraphe, son propre détecteur de justesse, l'objecteur de sa conscience au service d'une vérité qui ne peut être que vivante.
Je vous souhaite à toutes et à tous de trouver votre mouvement et de vivre pleinement l'expérience de son expression, de son ancrage, de son enracinement, malgré les marées et le vent, dans la tranquillité comme dans le bouleversement.
🌊
Diane
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